TENDRE EFFRACTION

2024 – en cours

Où suis-je, sur la photo ?
Je regarde toutes ces femmes sur mes archives. J’aurais pu devenir chacune d’entre elles, pourtant je ne me reconnais dans aucune. Dans cette constellation familiale, l’étrangeté se mêle au décalage.
Quelle est ma place ?
Cadré.e.s dans ces images qui encadrent notre identité et nous figent dans une lignée.
Comment sortir du cadre et vivre ce désir bordé par ces limites ?
Que faut-il briser pour exister ?
Et s’il s’agissait essentiellement de représentations, qui fonctionnent comme des clôtures.

Alors, y faire effraction.

Pénétrer dans ces images et les employer comme espace de réappropriation. Se saisir des motifs de mon histoire familiale, y porter des coups.
Créer des failles dans les forteresses qui m’emprisonnent.
S’y faufiler, se frayer un chemin de liberté.

Créer un mouvement, porter secousses aux images.
Dire les tremblements et le vacillement intime – parfois coupable – de devenir soi. Un geste qui révèle un décalage et libère des entraves matérielles et culturelles.

Ma pratique artistique est un trajet spatial vers mon identité, qui me délivre et dans laquelle je me déploie, m’affirme et, enfin, me réconcilie.
Un geste qui relie, qui refait lien aussi.
Une vibration qui viendrait troubler le regard, le mien d’abord.

Si la photographie recueille et la peinture récrée, alors par ce geste pictural sur mes photos de famille, je rends ma place vivante, je la fais exister.

L’art comme lieu symbolique qui déplace.

Ni tout à fait un arrachement, ni tout à fait un enracinement.
Un entre-deux, l’endroit d’une escale sensible.
On pourrait penser cet entre-deux comme une forme de vulnérabilité mais, pour citer Claire Marin, « n’est-ce pas la force des désaccordés que de n’être jamais exactement à leur place de naviguer entre les cultures, les modes d’être ? N’est-ce pas cette fluctuation, cette plasticité à être autre qui fait notre réelle liberté ? »